L’EXPERTISE
Posté le 10 octobre 2024 dans Droit de la famille, Droit de la Propriété intellectuelle, Droit de la responsabilité civile, Droit des affaires, Droit des nouvelles technologies / Internet, Droit du travail, Droit social.
Le juge comme l’avocat sont globalement limités à leur connaissance juridique. Or, le traitement d’un dossier nécessite régulièrement l’intervention de tiers experts dans leurs domaines. Les juges ont ainsi tendance à plus recourir à des expertises qu’à des vérifications personnelles ou à des consultations ou constatations. Cela renforce en effet l’objectivité et la crédibilité de leurs décisions. Les expertises sont ordonnées lorsque les pièces et documents communiqués ne suffisent pas à éclairer le Tribunal.
L’intervention d’experts peut cependant retarder le traitement des dossiers. Or, la convention européenne des droits de l’homme prévoit que les affaires doivent être entendues par la justice dans un délai raisonnable et sans retard qui serait de nature à en compromettre l’efficacité et la crédibilité. Ont ainsi été condamnés des Etats qui ne garantissaient pas aux justiciables le traitement de leur affaire dans un délai raisonnable.
L’opportunité de recouvrir à une mesure d’instruction relève du pouvoir discrétionnaire du juge qui peut librement la refuser. Le pouvoir d’ordonner une mesure d’instruction trouve ses limites dans la finalité, la proportionnalité ainsi que la subsidiarité de la mesure. L’application du principe de proportionnalité aux mesures d’instruction est ancienne. Il est nécessaire que les mesures d’instruction soient circonscrites dans le temps, dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi.
Les juges doivent par conséquent vérifier si la mesure ordonnée est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence. Si le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, c’est à la condition que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime, sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui sollicitent et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits de l’autre partie au regard de l’objectif poursuivi. Ainsi, n’est pas proportionnée la mesure d’instruction insuffisamment circonscrite dans le temps et l’objet par l’usage de mots clés visant exclusivement des termes génériques et des prénoms, noms et appellations des personnes contre lesquelles les mesures d’instruction avaient été sollicitées.
Il n’est pas nécessaire que le juge soit saisi par les parties pour ordonner une mesure d’instruction. Le juge peut en effet ordonner d’office une mesure d’instruction.
Le juge a la possibilité de rejeter les demandes sans rapport avec le litige étant donné que les mesures d’instruction ne peuvent être ordonnées que dans la limite du périmètre fixé par les parties elles-mêmes.
L’expertise ne doit pas venir pallier la carence d’une partie dans la recherche de la preuve. Les parties sont obligées de participer à la dynamique du procès en prêtant le concours aux mesures ordonnées par le juge. La Cour de cassation exige que les juges du fond établissent la raison pour laquelle la demande portant sur une mesure d’instruction vise à pallier une insuffisance dans l’administration de la preuve.
L’article 233 du code de procédure civile prévoit que le technicien investi de ses pouvoirs par le juge doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée.
En matière de filiation, des règles spécifiques ont été édictées. L’expertise génétique est de droit en matière de filiation sauf s’il existe un motif légitime de ne pas y procéder. Il en va ainsi lorsque l’objectif de l’action est d’établir ou de contester un lien de filiation ou d’obtenir ou de supprimer des subsides.
L’inutilité de l’expertise constitue un motif légitime pour ne pas l’ordonner. À titre d’exemple, la Cour de cassation a retenu que l’expertise génétique n’était pas de droit, même en matière de filiation, lorsqu’elle a pour finalité d’établir la nationalité française. La Cour de cassation a également rejeté une demande d’expertise en constatant qu’il s’agissait d’une action en rectification d’état civil et non d’une action d’état. Étant donné que la preuve s’établit par tout moyen, l’expertise biologique n’est pas de droit. L’article 145 du code de procédure civile n’exige pas des juges qu’ils caractérisent le motif légitime de la mesure d’instruction au regard des différents fondements juridiques de l’action que la partie entend engager. Les mesures d’instruction supposent néanmoins que soit établie l’existence de faits rendant plausible le bien-fondé de l’action en justice envisagée et que la mesure présente une utilité à son égard.
Pour apprécier l’existence d’un motif légitime de conserver ou établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, il n’appartient pas à la juridiction des référés de trancher le débat de fond sur les conditions de mise en œuvre de l’action que la partie pourrait ultérieurement engager. L’existence d’un litige potentiel et d’un intérêt probatoire à la mesure demandée en référé pour éclairer la partie sur l’éventuel litige au fond, caractérise le motif légitime. Le motif légitime repose sur 3 idées :
- la nécessité d’un lien suffisant entre la mesure sollicitée et le procès futur,
- un intérêt probatoire à la mesure prescrite et,
- si la mesure empêche la lésion des intérêts légitimes de la partie adverse.
La mesure est limitée à celles légalement admissibles. Doivent par conséquent être écartés les modes de preuve irréguliers ou irrecevables ainsi que les mesures injustifiées ou disproportionnées. Peuvent en revanche être ordonnées des mesures se bornant à des constats dont l’objet est circonscrit par l’ordonnance sanscomporter aucune atteinte aux libertés fondamentales.
La jurisprudence paraît admettre que sont justifiées les atteintes aux droits des personnes concernant notamment le respect de la vie personnelle du salarié, du domicile ou du secret des affaires dès lors que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées. Dans les procédures contradictoires, le risque lié à la production de documents est limité puisque la partie concernée peut refuser la communication de la pièce et l’expert en référera au juge qui tranchera la difficulté.
L’assignation en référé aux fins d’obtention d’une mesure d’instruction interrompt le délai de prescription de l’action au fond en vue de laquelle la mesure est sollicitée. Il en ira ainsi uniquement si l’assignation est dirigée contre celui que l’on veut empêcher de prescrire.
Le juge saisi d’une demande d’expertise ne peut ordonner une telle mesure que dans les limites du pouvoir juridictionnel de son tribunal. Par exemple, le juge d’un tribunal dénué de pouvoirs juridictionnels en matière de pratiques anticoncurrentielles et de pratiques restrictives ne peut ordonner aucune mesure d’investigation.
Il est possible de saisir le tribunal de façon non contradictoire afin de solliciter une mesure d’instruction. Dans cette hypothèse, le juge doit s’assurer de l’existence des circonstances justifiant de ne pas procéder contradictoirement, et il devra indiquer les raisons de ne pas procéder de façon contradictoire dans le jugement.
L’expertise peut faire l’objet d’un appel indépendant du jugement sur le fond, sur autorisation du premier président de la cour d’appel et s’il est justifié d’un motif grave et légitime. L’appel doit être formé dans le mois. La décision qui ordonne une expertise médicale en matière de sécurité sociale est susceptible d’un appel immédiat dans la mesure où, du fait de la portée particulière d’une telle expertise, la décision tranche une question touchant au fond du droit.
L’expert doit inviter les parties à formuler des observations et doit les prendre en considération. En conséquence, le rapport d’expertise et le pré-rapport doivent être versés au débat et soumis à discussion contradictoire des parties. A défaut, le juge écartera les conclusions de l’expert.
Les expertises sont régulièrement utilisées en matière immobilière notamment afin de constater des irrégularités ou des dégâts. Le cabinet mandate régulièrement des médecins experts afin de déterminer l’étendue des préjudices suite à un accident, une agression ou encore un accident du travail.
Pour toute question concernant une expertise, le cabinet reste à votre disposition.