LA LIBERTÉ D’EXPRESSION SUR INTERNET
Posté le 4 novembre 2021 dans Droit de la Propriété intellectuelle, Droit des nouvelles technologies / Internet.
La liberté d’expression est protégée par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ainsi que par l’article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (i).
La liberté d’expression n’est pas illimitée et se trouve encadrée par l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen qui dispose que « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (ii).
I) Le principe de la liberté d’expression
La liberté d’expression ne peut être réglementée que par le pouvoir législatif (et non par le Gouvernement) et les éventuelles sanctions ne peuvent être prononcées que par un juge (et non pas par une administration).
Cependant, des exceptions à ce principe perdurent :
- Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel – autorité administrative – contrôle les émissions télévisées,
- L’administration, et notamment le maire, peut interdire la sortie d’un film.
On constate cependant, notamment sous l’influence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, une montée en puissance de la liberté d’expression :
- En matière cinématographique : dans l’affaire « Grâce à Dieu » dans laquelle un prêtre était présenté comme pédophile la liberté d’expression l’a emporté sur la présomption d’innocence du prêtre,
- En matière de création artistique : la liberté de création artistique, et donc d’expression, l’emporte sur dans l’affaire Klasen. Dans cette affaire, Monsieur Klasen considérait que l’insertion non-autorisée de photographies originales poursuivait un but critique et relevait de sa liberté créatrice. La Cour de cassation a effectué une mise en balance des intérêts du titulaire des droits d’auteur avec la liberté de création de l’artiste et a rejeté la demandée fondée sur la contrefaçon de droit d’auteur.
II) Les limites à la liberté d’expression
La liberté d’expression ne peut être encadrée que de façon proportionnée dans le cadre d’un contrôle de proportionnalité. De surcroît, la loi de 1881 sur la liberté de la presse constitue l’unique réceptacle des règles venant encadrer la liberté d’expression. Les citoyens bénéficient par conséquent d’un double niveau de protection de la liberté d’expression. Il n’est donc pas possible d’arguer de la simple existence d’un préjudice dû à l’expression d’une idée. Il est nécessaire, afin d’obtenir la condamnation de la personne ayant exprimé un message, de respecter ces deux critères.
En conséquence, et sous réserve d’un contrôle de proportionnalité effectué au cas par cas, la loi de 1881 vient poser des limites et notamment :
- La diffamation : la diffamation, assez courante sur internet et qui constitue environ 80% des délits dits de presse en France, est constituée par une allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne. La diffamation peut être raciste, sexiste ou homophobe. Il est nécessaire qu’une personne précise, qu’elle soit physique ou morale, soit attaquée (à ce titre, une attaque contre les avocats ne constituerait pas un acte de diffamation en ce qu’elle serait trop générale). La cible de la diffamation doit être vivante (à défaut, le délit n’existe que si l’auteur a eu l’intention véritable et prouvée de porter atteinte à l’honneur ou à la considération des ayants cause vivants (ce qui a été le cas dans l’affaire dite Grégory). Les ayants droit peuvent user du droit de réponse.
Dans l’affaire dite Fanfan la Tulipe, la critique avait écrit qu’il s’agissait d’une « canonnade de plaisanteries de comptoirs évidemment racistes », « d’épaisse connerie », « nullité xénophobe ». La chambre de la presse a retenu que l’attaque visait l’œuvre et non pas l’auteur. L’atteinte à l’honneur et à la considération s’interprètent de façon objective.
Réseaux sociaux et discrédit Une jeune femme voulait se venger de son ex-amant et de son ex-concubin qui l’avaient tous les deux quittés. La jeune femme avait utilisé l’identité de l’ex-amant et créé plusieurs profils sur des réseaux sociaux ainsi que des pages FB visant à le discréditer. Elle harcelait le second depuis leur rupture par des messages haineux et faisait de même avec son entourage. La Cour d’appel de Paris a pris en compte le nombre et le contenu d’articles publiés et a ordonné le retrait des contenus. |
- L’injure : l’injure est une parole, un écrit, une expression quelconque de la pensée adressée à une personne dans l’intention de la blesser ou de l’offenser. L’injure sera sanctionnée plus durement si elle est publique. À ce titre, les injures commises sur des réseaux sociaux sont plus durement sanctionnées si la page est accessible au public ou aux amis des amis, voire à un nombre importants « d’amis » car il s’agira, dans ces hypothèses, d’injures publiques.
TGI Paris, 27 avril 2006 Constitue une injure le fait de présenter une société comme une « association de malfaiteurs ». *** Prud’hommes de Boulogne-Billancourt, 19 novembre. 2010 Un salarié mécontent poste une injure à l’encontre de son employeur. L’employeur avait produit une capture d’écran d’un commentaire accessible pour les amis des amis. Le Tribunal a retenu que la salariée a abusé de sa liberté d’expression (l’interdiction est proportionnée à ses droits et à ses libertés individuelles et justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché). |