En raison de l’essor continu du numérique, et des changements d’habitudes de consommation qui en découlent, l’enjeux des pratiques commerciales s’avèrerait relever de la maîtrise des moteurs de recherche. Face aux 14,3% de croissance du e-commerce entre 2017 et 2018, l’objectif de toute entreprise serait alors d’obtenir une visibilité accrue des consommateurs surfant sur le net. Ainsi, l’agilité dans le maniement du référencement dit « naturel » voire « promotionnel », notamment par le biais « d’Adwords » – utilisation de mots-clefs augmentant les probabilités d’une entreprise donnée d’apparaitre sur les pages de recherche effectuées par le consommateur cible – semble être indispensable à une activité commerciale pérenne et florissante face à la multitude d’offres substitutives dont le consommateur dispose dorénavant par le biais de Google, Yahoo, Bing…

L’optimisation du référencement naturel n’est cependant pas dénuée de risques d’abus. En effet, il s’avère que l’utilisation de certains Adwords peut constituer une contrefaçon – à savoir une violation du droit des marques – caractérisée notamment lorsque les mots-clefs référencés par l’entreprise ne se rattachent pas nécessairement à son activité propre, mais ont pour seul but d’apparaitre dans les pages proposées au consommateur qui cherchait un renseignement autre.

La Cour d’Appel de Paris du 5 mars 2019 a été saisie de la question. Elle s’est ainsi penchée sur la nullité invoquée de la marque « Carré Blanc », l’allégation de contrefaçon, la concurrence déloyale et parasitaire ainsi que les publicités et informations trompeuses d’une société concurrente Rue du Commerce. En l’espèce, la société Rue du Commerce était accusée d’utiliser les termes « Carré Blanc » dans ses annonces snippet, titres, adresses URL, messages suivant les annonces et listes de mots-clefs en bas des pages du site.

La Cour d’appel a retenu que ces termes n’étaient en aucun cas utilisés comme adjectifs pour décrire le produit car ils étaient souvent placés devant le nom désignant l’article recherché et ils n’étaient pas même accordés au nom des articles.

Sur la demande de nullité de la marque Carré Blanc pour défaut de distinctivité

La société Rue du Commerce invoquait la nullité de la marque Carré Blanc composée selon elle de « termes descriptifs souvent utilisés pour du linge de maison », et en invoquait alors la nullité pour défaut de distinctivité en vertu de l’article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle.

La Cour d’appel de Paris a retenu qu’une marque peut être distinctive même si elle est constituée par l’association de deux termes de la vie courante. En effet, la distinctivité s’apprécie à la date du dépôt de la marque et résulte notamment de l’usage accru de ces termes ensemble. En outre, il n’était pas justifié que le terme « carré » soit souvent voire nécessairement utilisé pour désigner du linge de maison – le plus souvent de forme rectangulaire – ou des peignoirs, tel que le terme apparaissait en soit distinctif. Enfin, Carré Blanc avait fourni de nombreuses pièces prouvant l’usage intensif de la marque pour assurer la distribution de ses produits, de telle sorte que Carré Blanc était présentée dans plusieurs articles comme un leader de la vente en linge de maison, usage permettant ainsi de renforcer la distinctivité de la marque. La marque est donc valide.

Sur la contrefaçon

La société Rue du Commerce avance le caractère courant de la pratique d’optimisation des techniques de référencement des pages index par le moteur de recherche.

Ainsi, la Cour d’appel a retenu que le référencement effectué pouvait laisser l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif penser que des produits de la marque Carré Blanc lui étaient proposés sur ce site. En l’espèce, l’apparition des sites Rue du Commerce sur les pages de résultats lorsque des termes tels « Soldes Carré Blanc » ou « Carré Blanc pas cher » étaient recherchés, ainsi que la présence de ces termes à plusieurs reprises dans les liens, titres et encadrés ne permettaient pas, ou très difficilement, de savoir si les produits et services visés par cette annonce provenaient du titulaire de la marque voire d’une entreprise économiquement liée, ou à l’inverse d’un tiers. La Cour d’appel n’aurait donc su utilement se retrancher derrière les règles de fonctionnement du référencement naturel et de ses Adwords, lorsque les résultats auxquels il conduit sont le fruit de l’utilisation de la marque d’autrui qui reste visible par l’internaute.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

En l’espèce, la société Carré Blanc accusait la société Rue du Commerce d’utiliser la technique du maillage interne de son site – soit une organisation de liens internes au site – pour améliorer son référencement naturel, et ainsi promouvoir les pages internet de son site en positionnant son apparition dans les meilleurs résultats du moteur de recherches Google. Or, il demeurait seulement envisageable de caractériser le comportement déloyal visé si cette démarche commerciale avait précisément pour effet de détourner de manière effective le consommateur.

Enfin, si la Cour d’appel de Paris reconnait absolument l’infraction de contrefaçon, elle ne donne pour autant pas droit aux requêtes en concurrence déloyale et parasitaire formulées par la société Carré Blanc. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un produit ou d’un service. Le site Rue du Commerce n’était pas systématiquement positionné au premier rang des référencements naturels, tandis que l’attention des internautes diminue très rapidement selon cette même position parmi les adresses proposées : une annonce en quatrième position a notamment moins de 10% de chances d’être consultée par l’internaute. En outre, bien que Carré Blanc prétende avoir subi un important détournement de clientèle, la marque ne prouve aucune baisse du nombre de visiteurs ni du chiffre d’affaire réalisé grâce aux ventes sur la période contentieuse, cette bonne santé financière étant également attestée par certains articles de presse de l’époque tels que « Capital finance Les Echos » en octobre 2013 puis « Le Parisien » en mai 2015. Ainsi, aucune relation de causalité n’était ici démontrée entre le référencement frauduleux de Rue du Commerce et un éventuel préjudice subi par Carré Blanc.

Sur les publicités et informations trompeuses

En outre, une pratique commerciale est trompeuse lorsqu’elle contient ou véhicule des éléments faux susceptibles d’induire en erreur le consommateur moyen, ou bien des éléments vrais mais présentés tels qu’ils conduisent au même résultat. La Cour d’appel de Paris a rejeté cet argument.