Le droit d’auteur est un gruyère percé de très nombreuses exceptions, dont la liste ne cesse de s’allonger. L’objectif de ces exceptions vise à établir un équilibre entre d’un côté la protection des auteurs et de l’autre côté un autre intérêt considéré comme légitime comme notamment la liberté d’expression avec l’exception des parodies. Le droit d’auteur fixe par conséquent des limites aux actes que l’auteur peut interdire. Étudier les exceptions du droit d’auteur permet en réalité de comprendre ce qu’est le droit d’auteur.

La liste des exceptions est limitativement énumérée par la directive droit d’auteur de l’Union Européenne.

L’exception de parodie est comprise de façon large et il n’est pas nécessaire d’être drôle, mais de proposer à tout le moins un détournement de l’œuvre initiale. La parodie exclut toute appropriation de l’œuvre. Il est en effet nécessaire que la parodie soit le fruit d’un travail de travestissement ou de subversion et donc de distanciation par rapport à l’œuvre parodiée. Il en résulte qu’il est nécessaire que le public ne puisse se méprendre sur la portée du propos et sur l’auteur de la parodie pour que l’exception trouve à s’appliquer. L’exception de parodie doit néanmoins respecter un juste équilibre entre les intérêts et les droits des auteurs d’une part et la liberté d’expression de l’utilisateur d’une œuvre protégée d’autre part, sans préjudice d’une éventuelle action en responsabilité civile en cas de dénigrement ou d’atteinte aux droits de la personnalité.

Une autre expression couramment utilisée est celle de courte citation, dont la longueur doit être proportionnelle à l’œuvre initiale et doit être incluse dans une œuvre capable d’en citer une autre, à défaut, l’utilisation de l’œuvre première pourrait être qualifiée de contrefaçon.

L’exception de copie privée permet à un tiers d’effectuer une reproduction sur tout support pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales. Il est nécessaire que la personne – qui doit être une personne physique- soit détenteur légitime d’une œuvre protégée et que la copie soit strictement personnelle. Cette exception ne s’applique pas aux bases de données et en ce qui concerne les logiciels, le titulaire d’une licence ne peut reproduire le logiciel que dans deux cas, à savoir :

  • Lorsque cette copie est réalisée à des fins de sauvegarde, mais à la condition qu’elle soit nécessaire pour préserver l’utilisation du logiciel
  • Lorsqu’elle est indispensable à l’utilisation du logiciel conformément à sa destination, y compris pour corriger des erreurs

La copie ne peut être utilisée pour être revendue à un tiers. La revente à un tiers nécessiterait l’autorisation du titulaire des droits. L’exception de copie privée n’existe pas en droit américain qui applique l’exception dite de fair use, permettant d’écarter l’application du droit d’auteur en fonction de la finalité de l’utilisation de l’œuvre par le copiste, de la nature de l’œuvre copiée, de l’importance des extraits de l’œuvre copiée, ainsi que des conséquences de l’acte de reproduction de l’œuvre protégée sur le marché ou sur la valeur de la création protégée. Il en résulte que par l’intermédiaire de cette exception d’application large qu’est le fair use, le public américain bénéficie de l’équivalent de l’exception de copie privée. 

L’exception à des fins pédagogiques et scientifique permet aux établissements d’enseignement et de recherche ainsi qu’aux bibliothèques de reproduire et de représenter des œuvres si l’acte est nécessaire aux fins de mise à disposition des usagers de ces œuvres au moyen de terminaux spécialisés, dans les locaux des établissements. En ce qui concerne les bibliothèques, ce droit de communication n’autorise cependant pas les particuliers à imprimer les œuvres sur papier ni à les stocker sur une clé usb. Le droit français autorise la représentation ou la reproduction d’extraits d’œuvres, sous réserves d’œuvres conçues à des fins pédagogiques, les partitions de musique des œuvres réalisées pour une édition numérique de l’écrit, à des fins exclusives d’illustration, dans le cadre de l’enseignement et de la recherche, à l’exclusion de toute activité ludique ou récréative, dès lors que le public auquel cette représentation ou cette reproduction est destinée est composé majoritairement d’élèves, d’étudiants, d’enseignants ou de chercheurs directement concernés, que l’utilisation de cette représentation ou de cette reproduction ne donne lieu à aucune exploitation commerciale et qu’elle est compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire sans préjudice de la cession du droit de reproduction par reprographie. Maître LE BORLOCH a par ailleurs participé à des travaux de l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle visant à établir l’état des exceptions en matière de bibliothèque dans le monde dans le but de développer une solution commune par un traité de l’OMPI. Les travaux sont accessibles via ce lien : sccr_35_6.pdf (wipo.int) 

Le législateur a introduit par la loi du 6 octobre 2007 une exception relative à la fouille de texte et de données dite datext and data mining. Les titulaires de droits ne peuvent donc interdire les copies ou reproductions numériques d’une œuvre ou d’une base de données, effectuées à partir d’une source licite ou lorsque la personne y a accès licitement, lorsque la copie ou reproduction est effectuée en vertu de l’exploration ou de fouille de textes et de données incluses ou associées aux écrits scientifiques dans un cadre de recherches publiques à l’exclusion de toute finalité commerciale.

L’exception de panorama permet l’utilisation et la publication à des fins non-lucratives, par le public et des associations à but non lucratif, de photographies d’œuvres architecturales protégées par le droit d’auteur si elles sont situées dans l’espace public. Une zone grise existe à ce sujet dans la mesure où il n’est pas certain que l’exception de panorama ait vocation à s’appliquer sur les réseaux sociaux, dès lors qu’ils peuvent présenter une fin lucrative. Il est envisageable de considérer qu’un particulier utilisant un réseau social dans le simple objectif d’entretenir des relations amicales et familiales pourra bénéficier de l’exception dès lors que sa démarche n’est pas lucrative et qu’un influenceur ne pourrait pas bénéficier de cette exception si son utilisation du réseau social est lucrative.

Une exception a été introduite pour les personnes affectées de handicap. Dès lors, les personnes frappées de déficience visuelle, motrice, psychique, sensorielle, mentale, cognitive peuvent accéder aux œuvres dans des formats adaptés si la mise à disposition est faite à des fins non-lucratives et pour l’usage personnel des personnes affectées par un handicap. La loi du 7 octobre 2016 rend obligatoire les services de traduction instantanée en langue des signes.

Sont également autorisées les revues de presses, la reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire (ce qui permet de faciliter la navigation sur internet qui repose largement sur le recours à des mémoires dites caches), la reproduction par les bibliothèques, la reproduction pour la fouille de textes, la reproduction d’extraits d’œuvres, la représentation d’œuvres indisponibles et de nouvelles exceptions voient le jour.

Le Conseil des droits de l’homme dans le domaine des droits culturels des Nations Unies recommande d’accroître les exceptions et limitations aux droits d’auteur afin de favoriser de nouvelles créations, d’améliorer les possibilités d’éducation, de préserver le champ d’une culture non-commerciale et de promouvoir l’intégration des œuvres culturelles. Cette proposition se fonde notamment sur l’article 27 de la déclaration universelle des droits de l’Homme qui prévoit un droit à la culture.

La liberté d’expression ainsi que la liberté de création ne peuvent justifier une exception au droit d’auteur. En effet, ces deux droits ne constituent pas une exception visée dans la directive « droits d’auteurs » et le juge n’est pas autorisé à créer de nouvelles exceptions. Néanmoins, la Cour de Justice de l’Union Européenne demande aux juges d’en tenir compte lorsqu’ils exercent leur pouvoir d’interprétation des exceptions.

Les exceptions sont soumises à un triple test prévu par la convention de Berne sur le droit d’auteur et reprises à l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle.

Le triple test prévoit que les exceptions ne sont admises que dans la limite de cas spéciaux, à condition qu’elles ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre et si elles ne causent pas de préjudice injustifié au intérêts légitimes de l’auteur.

Vous pouvez accéder à la vidéo explicative en collaboration avec LEXBASE : [DPI/ Droit d’auteur] #4 Quelles sont les exceptions en droit d’auteur ? – YouTube