Définition et cadre juridique

Le harcèlement moral est défini par l’article L.1152-1 du code du travail. Il se caractérise par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

Ainsi, pour pouvoir parler de harcèlement moral et faire reconnaître son existence devant les juges, il faut que le salarié présente des éléments de faits précis et concordants sur :

  • La répétition des agissements : le harcèlement ne se limite pas à un acte isolé, mais implique des agissements répétés, même sur une courte période de temps ;
  • Une dégradation des conditions de travail
  • Susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité (par exemple lorsque cela a une incidence sur la vie familiale), d’altérer sa santé physique ou mentale (par exemple une dépression) ou de compromettre son avenir professionnel (ce peut être une mise à l’écart, une absence de promotion, la rupture du contrat…).

Devant le Conseil de prud’hommes, il n’est pas nécessaire de démontrer l’intention de nuire de l’auteur du harcèlement.

Les agissements de harcèlement moral peuvent revêtir plusieurs formes, allant des insultes, des humiliations, des intimidations, des critiques constantes, aux menaces ou à l’isolement volontaire de la victime.

A titre d’exemple, les juges ont retenu la qualification de harcèlement moral dans les situations suivantes :

  •  le supérieur hiérarchique du salarié s’adressait à lui en termes agressifs et déplacés, sans aucune justification, et s’acharnait contre lui : la cour d’appel en a exactement déduit que ces agissements répétés, qui avaient eu pour effet une dégradation des conditions de travail dont elle a relevé qu’elle avait porté atteinte à la santé de l’intéressé (Cass. Soc. 9 février 2010, n°08-45069) ;
  • le directeur de l’établissement soumettait les salariés à une pression continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre-ordres dans l’intention de diviser l’équipe se traduisant, en ce qui concerne M. X…, par sa mise à l’écart, un mépris affiché à son égard, une absence de dialogue caractérisée par une communication par l’intermédiaire d’un tableau (Cass. Soc. 10 novembre 2009, n°07-45321) ;
  • un bénévole très impliqué dans l’association avait un comportement à l’encontre d’une salariée, caractérisé par des humiliations, des rabaissements et critiques de son travail (Cour d’appel de Montpellier, 22 mai 2020, 17/00292) ;
  • un Directeur général adjoint avait un comportement violent et irrespectueux à l’égard de son assistante, lui adressait régulièrement des paroles humiliantes et dégradantes, avait un comportement inadapté après une absence pour cause de maladie, (Cour d’appel de Paris, Pôle 6, chambre 7, 17 décembre 2020, n°18/04642).

Le harcèlement moral n’est donc pas nécessairement le fait de l’employeur : cela peut venir d’un supérieur hiérarchique, d’un subordonné, d’un membre de la famille de l’employeur, d’autres collègues, d’un bénévole, d’un client ou prestataire extérieur à l’entreprise.

Le « harcèlement managérial » est également reconnu, lorsque plusieurs salariés sont victimes d’agissements répétés de harcèlement moral de la part de leur hiérarchie ; toutefois, le salarié qui saisit le Conseil de prud’hommes pour obtenir réparation devra montrer qu’il en était personnellement victime.

Il est à noter que l’existence d’un harcèlement moral est davantage reconnue lorsque les effets des agissements sur la santé du salarié sont déjà attestés par des professionnels de santé dans un certificat médical. L’état dépressif du salarié est généralement retenu comme un élément de nature à faire présumer le harcèlement moral, lorsque le lien entre l’état de santé et les conditions de travail est établi par les médecins.

Les moyens à mettre en œuvre pour prévenir le harcèlement moral

De manière générale, l’employeur a une obligation de prévention de la santé et de la sécurité des salariés et, plus spécifiquement, de prévention du harcèlement moral (L.1152-4 du code du travail).

L’employeur doit aussi bien ne pas commettre lui-même d’agissements de harcèlement moral mais aussi veiller à ce que les salariés n’en commettent pas non plus, quitte à les sanctionner.

La prévention passe par :

  • Une information des salariés (obligation d’afficher sur les lieux du travail les dispositions du code pénal réprimant le harcèlement moral ; rappel des dispositions du code du travail applicables dans le règlement intérieur)
  • Le document unique d’évaluation des risques dans lequel l’employeur dresse un inventaire des risques professionnels éventuels et propose des mesures d’actions et de prévention ;
  • La formation : formation des managers et supérieurs hiérarchiques au management, gestion d’équipe ; actions de sensibilisation de l’ensemble des salariés
  • Le comité social et économique : l’article L2312-9 du code du travail prévoit que le comité social et économique procède à une analyse des risques professionnels, en ce compris le harcèlement moral, et peut susciter toute initiative qui lui semble utile et proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral. Il a également un droit d’alerte lorsqu’il constate des faits de harcèlement (article L.2312-59 du code du travail) ;
  • Les services de médecine du travail : le médecin du travail a une mission de conseil auprès de l’employeur, des salariés et des représentants du personnel.

Les actions de prévention menées par l’employeur sont déterminantes pour évaluer la responsabilité de celui-ci.

En effet, la Cour de cassation a admis que l’employeur puisse s’exonérer de sa responsabilité, malgré la survenance du dommage s’il justifie qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, et, notamment qu’il avait mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral (Cass. soc., 1er juin 2016, no 14-19.702).

Ainsi, l’employeur peut ne pas être condamné dès lors qu’il démontre qu’il a :

  • pris, en amont, toutes les mesures de prévention prévues par l’article L. 4121-1 du Code du travail (actions de prévention des risques professionnels, d’information et de formation, mise en place d’une organisation et de moyens adaptés) et l’article L. 4121-2 du Code du travail (principes généraux de prévention).
  • immédiatement fait cesser le harcèlement.

Les actions à mener en cas de harcèlement moral

Lorsque l’employeur a connaissance des faits de harcèlement moral dans l’entreprise, qu’il soit alerté par le salarié victime, par le médecin du travail, par les représentants du personnel, il doit mettre en œuvre, dans de brefs délais, une enquête interne avec le concours des représentants du personnel si l’entreprise en est dotée.

Le code du travail n’impose aucune règle particulière relative à la mise en œuvre de l’enquête et la Cour de cassation est souple sur la façon dont l’enquête est menée.

Ainsi, la Cour de cassation est venue préciser que le fait que le salarié auquel les faits de harcèlement sont imputés n’ait pas été préalablement informé de l’enquête, ni n’ait été entendu dans ce cadre ne remet pas en question les conclusions de l’enquête (Cass. Soc. 17 mars 2021, n°18-25597).

Même si seule la moitié des collaborateurs ont été entendus sur les faits de harcèlement moral commis par un de leurs collègues, l’enquête ainsi diligentée par l’employeur n’en est pas moins recevable (Cass. Soc. 8 janvier 2020, n°18-20151).

La Cour de cassation a rappelé que :

« Le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n’impose pas que, dans le cadre d’une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d’autres salariés, le salarié ait accès au dossier et aux pièces recueillies ou qu’il soit confronté aux collègues qui le mettent en cause ni qu’il soit entendu, dès lors que la décision que l’employeur peut être amené à prendre ultérieurement ou les éléments dont il dispose pour la fonder peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement. »

(Cass. Soc. 29 juin 2022, n°20-22220, publié au bulletin).

Une enquête interne menée par la Direction des Ressources Humaines et non par le CHSCT ainsi que l’audition de 8 personnes sur 20 du service ne rend pas plus l’enquête irrecevable. (Cass. Soc. 1er juin 2022, n°20-22058).

L’employeur a donc la faculté de n’interroger que les salariés qui se trouvent être en contact direct avec le salarié accusé de harcèlement moral.

Lorsque les faits sont avérés, l’employeur est tenu de sanctionner le salarié. L’employeur est libre de choisir la sanction car le code du travail n’impose aucune sanction.

L’employeur peut également décider de mettre en œuvre une mesure de médiation.

Quels sont les moyens à disposition du salarié victime de harcèlement moral ?

Le salarié victime de harcèlement moral peut utilement se rapprocher de l’Inspection du travail, du médecin du travail, des représentants du personnel si l’entreprise en dotée.

Lorsque les conséquences sur son état de santé sont importantes, le médecin traitant peut le placer en arrêt de travail et décider de déclarer auprès de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie un accident ou une maladie professionnelle. (Sur la déclaration de maladie professionnelle ou d’accident du travail, voir un de nos prochains articles).

La plupart du temps, le salarié victime de harcèlement moral ne voudra pas retourner dans l’entreprise.

La rupture du contrat de travail peut prendre plusieurs formes :

  • un licenciement pour inaptitude sur avis du médecin du travail ;
  • une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ;
  • une demande de résiliation judiciaire devant le Conseil de prud’hommes.

Le salarié victime sera bien fondé à saisir le Conseil de prud’hommes pour voir juger la nullité de la rupture du contrat de travail et la condamnation de l’employeur à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi des faits de harcèlement moral et pour méconnaissance de l’employeur de son obligation de prévention.

Le cabinet LBV AVOCATS reste à votre disposition pour vous accompagner dans vos démarches.

Maître YSCHARD évoque le sujet dans la vidéo suivante :

https://www.youtube.com/watch?v=2JrN9gpztgo

Liens utiles :

https://www.inrs.fr/risques/harcelements-violences-internes/consequences-salaries-entreprise.html
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006177845/
https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_863178/lang–fr/index.htm