LE BAIL COMMERCIAL
Posté le 4 avril 2024 dans Droit des affaires.
Lors de la création d’une entreprise, de nombreux entrepreneurs font le choix non pas d’acheter des locaux mais de chercher un bail commercial. Ce choix présente différents avantages et notamment de ne pas peser sur la trésorerie d’entreprise à ses lancements ainsi que de se réserver plus facilement à la possibilité de changer de lieu pour loger l’entreprise dans des lieux plus adaptés à sa future croissance.
Le bail commercial est soumis à un régime particulier balançant entre le principe de liberté contractuelle et d’ordre public. Il est soumis au principe de la liberté contractuelle qui est protégé par le Conseil constitutionnel. La liberté contractuelle est associée à la liberté d’entreprendre dont elle est le prolongement.
Le droit des baux commerciaux est également soumis aux règles d’ordre public suite aux excès auxquels les propriétaires, au nom de la liberté contractuelle et du caractère fondamental du droit de propriété, s’étaient laissés aller. Il a été considéré que le recours à l’ordre public était nécessaire pour préserver la pérennité du fonds de commerce ou sa valeur.
Conformément aux dispositions de l’article 1709 du Code civil, le bail est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer. Le bail n’est, sauf exception, ni un contrat écrit ni un contrat solennel. Le bail peut par conséquent être verbal même si cela présente des difficultés probatoires. La loi implique néanmoins de recourir à un écrit pour les baux des immeubles à usage de salles de spectacle qui doivent être autorisés par le Ministre chargé de la culture, les baux des locaux abritant des débits de boissons alcoolisées qui doivent être passés sous la forme authentique ainsi que les baux conclus pour une durée supérieure à 12 ans qui doivent également revêtir la forme authentique.
Lors de la signature, il est important que les preneurs prennent connaissance du diagnostic de performance énergétique, de l’annexe environnementale, du constat de risque d’exposition aux plombs, du diagnostic technique amiante, du diagnostic termite et tout diagnostic qui pourrait être pertinent pour le bien, ainsi que de contrôler l’exactitude de l’état des lieux.
Afin de bénéficier du régime des baux commerciaux il est nécessaire qu’un fonds de commerce existe et qu’il soit effectivement exploité. Néanmoins, il a été jugé que la cessation temporaire d’activité n’implique pas en elle-même la disparition de la clientèle et par voie de conséquences du fonds de commerce.
Le Code de commerce prévoit qu’il est nécessaire que le bail porte sur un immeuble ou un local dans lequel le fonds est exploité, qu’il soit clos et couvert et qu’il présente une forme de stabilité et de permanence. Les commerçants installés dans un centre commercial, à la différence de ceux qui sont dans une galerie commerciale, ne bénéficient généralement pas d’une autonomie de gestion leur permettant d’être propriétaires d’une clientèle personnelle. Il a ainsi été retenu qu’une société titulaire d’un emplacement dans un centre commercial destiné à la réparation de chaussures et à la reproduction de clés ne bénéficie pas du statut des baux commerciaux, même s’il assurait seule la gestion de ses stocks et de ses ventes car elle est soumise aux horaires d’ouverture du centre commercial qui assurait le paiement des charges, l’organisation de la publicité et la politique des prix.
Les candidats locataires qui seraient approchés par des agents commerciaux des promoteurs du centre ont tout intérêt à conserver les e-mails reçus, car le nouveau droit des contrats permet d’obtenir la garantie de la commercialité des lieux ou à défaut des dommages et intérêts voire l’annulation du bail.
La durée du bail constitue très souvent l’un des intérêts principaux du régime des baux commerciaux. Le Code de commerce prévoit que la durée minimale ne peut être inférieure à 9 ans et fait interdiction de conclure un bail perpétuel (qui est requalifié automatiquement en durée indéterminée). Il est néanmoins possible de prévoir un bail dérogatoire ou de courte durée permettant en partie de conclure un bail d’une durée qui ne peut dépasser 3 ans. Le Code rural de la pêche maritime prévoit également la possibilité de conclure un bail emphytéotique d’une durée allant de 18 à 99 ans. Il en va de même pour le Code de la construction et de l’habitation prévoyant un bail à construction d’une durée allant de 18 ans et 99 ans. Il est possible de prévoir une faculté de résiliation anticipée permettant au preneur de donner congé pour la fin d’une période triennale (3,6,9). Il est possible d’aménager contractuellement la faculté de résiliation par le preneur.
Le bail commercial ne cesse pas par l’arrivée du terme contractuel. Il faut un acte positif de l’une ou l’autre partie pour mettre fin au bail. Le bailleur doit ainsi délivrer un congé et le locataire, à défaut de congé, doit notifier une demande de renouvellement s’il souhaite demeurer dans les locaux ou un congé s’il souhaite les quitter. A défaut, le bail se prolonge au-delà du terme prévu pour une durée indéterminée jusqu’à ce que l’une des parties décide d’y mettre fin. Le bail se prolonge avec les mêmes clauses, charges et conditions sans formation d’un nouveau contrat. Le preneur doit être attentif au dépassement de la durée de 12 années, car elle marque le déplafonnement du loyer.
Au cours du bail, le preneur peut donner congé à l’expiration d’une période triennale sans motif particulier (sous réserve d’un préavis de 6 mois) ou à tout moment pour départ à la retraite ou pour invalidité. Il est recommandé de recourir à un huissier pour la signification d’un congé. Les bailleurs utilisent assez rarement la possibilité de mettre un terme au bail étant donné qu’ils sont soumis au versement d’une indemnité d’éviction ou à l’obligation d’offrir un local équivalent au locataire en cas de travaux.
En ce qui concerne le prix, les parties jouissent d’une grande liberté pour sa détermination. Le plafonnement du loyer n’est en effet pas d’ordre public. Il est possible de prévoir une clause d’actualisation, qui sera notamment pertinente lorsque la date de signature du bail n’est pas identique à celle de la prise d’effet du bail et donc du loyer. Dans ce cas, les parties prévoient dès l’origine le mode de détermination du loyer dans lors de sa prise d’effet en recourant à un indice qui est généralement l’indice du coût de la construction. Il est également possible de prévoir un bail à paliers permettant aux parties de convenir dès l’origine des différents paliers pour le paiement du loyer au cours d’une période déterminée. Certains contrats ont recours à la clause recettes prévoyant que le loyer pourra varier en fonction des recettes du preneur. Certains contrats prévoient également un droit d’entrée qui est souvent surnommé « pas de porte ».
En ce qui concerne mes charges, le législateur n’a pas prévu de répartition très claire et il est préférable de préciser dans le bail la répartition convenue. En ce qui concerne les taxes et impôts, le bailleur ne peut plus réclamer la taxe foncière ni la taxe d’enlèvement des ordures ménagères au preneur (pour la taxe d’enlèvement des ordures, le contrat de bail peut en disposer autrement). Il en va de même de la taxe de balayage, la taxe d’aménagement ainsi que la contribution économique territoriale. En dehors de ces taxes, il est possible de répartir contractuellement les taxes et impôts.
Le statut des baux commerciaux ne contient aucune obligation d’assurance à la charge du bailleur ou du preneur. Il est néanmoins courant qu’une clause prévoie l’obligation de s’assurer. Le bail prévoit généralement à la charge du bailleur l’assurance de l’immeuble et de la responsabilité civile pour les dommages causés aux tiers du fait de l’immeuble, et à la charge du preneur l’assurance des biens meublants et la responsabilité civile des risques locatifs.
En application de l’article 1754 du Code civil, le preneur est tenu aux réparations locatives ou du menu entretien, sauf clause contraire contenu dans le bail commercial. Ces travaux se définissent par rapport aux grosses réparations de l’article 606 du Code civil. Ces derniers sont à la charge du bailleur. Les gros travaux recouvrent les gros murs et les voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, les digues et les murs de soutènement et de clôture. À défaut de clause contraire, les travaux consécutifs à la vétusté sont à la charge du bailleur. En cas de force majeure, le locataire n’est tenu à aucune réparation. Pour les travaux de mise en conformité, les travaux sont à la charge du bailleur sauf clause contraire. Les travaux d’amélioration et les travaux de modification des caractéristiques des locaux loués effectués par le preneur sont soumis au régime de l’accession, c’est à dire que dans le silence du bail, le bailleur en deviendra propriétaire contre versement d’une indemnité versée au preneur (sauf clause contraire). Les travaux du preneur peuvent être invoqués comme motif de déplafonnement par le bailleur à l’occasion du deuxième renouvellement du bail suivant l’exécution des travaux.
Le commercial doit porter sur une activité légale. Le bail commercial pourra ainsi être nul si l’activité exercée est contraire à l’ordre public. Le contrat peut fixer la destination convenue des lieux. Il est possible d’effectuer une déspécialisation partielle de l’activité sans autorisation du bailleur, mais une déspécialisation totale nécessitera l’accord du bailleur.
La cession du bail commercial libre. Elle n’est pas soumise à un formalisme particulier mais il convient d’en avertir le bailleur.
La résiliation du bail peut résulter du jeu d’une clause résolutoire insérée dans le bail. Il est nécessaire que la clause résolutoire prévoie expressément le motif de résiliation. À défaut, il ne sera pas possible de procéder à la résiliation du contrat de bail. L’existence d’un préjudice est indifférente. Il n’est même pas nécessaire d’envoyer une lettre de mise en demeure. Il est cependant nécessaire de procéder à l’envoi d’un commandement par commissaire de justice visant expressément la clause résolutoire. Le commandement doit à peine de nullité mentionner le délai d’un mois. Passé ce délai, il sera possible d’assigner en référé devant le Tribunal judiciaire afin d’obtenir la résiliation du contrat de bail.
Les parties peuvent également décider amiablement de mettre un terme au bail commercial.
Pour toute question concernant le droit des baux commerciaux n’hésitez pas à contacter le cabinet.
Liens utiles :
Article synthétique du gouvernement : Contrat de bail commercial | Entreprendre.Service-Public.fr
Présentation du régime des baux commerciaux par LE COIN DES ENTREPRENEURS : Le bail commercial : Les 10 points essentiels à connaitre (lecoindesentrepreneurs.fr)
Articles du Code de commerce relatif au bail commercial : Chapitre V : Du bail commercial. (Articles L145-1 à L145-60) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)