Le droit d’auteur a été pensé à une époque où personne n’imaginait l’avènement du numérique ni de l’Internet. Il existe donc traditionnellement une confusion entre l’œuvre immatérielle et son support matériel. Les juges puis le législateur ont par conséquent dû se demander s’ils ont vocation à s’appliquer lorsque les reproductions et représentations d’œuvres sont immatérielles.

  1. La reconnaissance jurisprudentielle de l’application du droit d’auteur au numérique et à l’internet

Dès 1996 a été rendue la première décision française statuant sur l’applicabilité du droit d’auteur à l’Internet. La décision a été rendue en référé – qui est le juge de l’évidence – par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 14 août 1996. Il est donc paru évident au juge français que le droit d’auteur s’applique à Internet bien que la reproduction de l’œuvre ne soit pas matérielle.

La réponse n’allait cependant pas de soi. En effet, une fois numérisée, l’œuvre n’est composée que d’une série binaire de 1 et de 0. Elle n’est donc pas lisible pour la majorité des utilisateurs de terminaux numériques. La distinction entre le code source – lisible par des êtres humains – et le code objet – composé de 1 et de 0 – est donc indifférente pour les juges qui considèrent que l’œuvre est reproduite dès lors qu’elle est retranscrite. La différence de format de l’œuvre est par conséquent sans importance.

  • La reconnaissance légale de l’application du droit d’auteur au numérique et à l’internet

Le législateur se montre généralement en retard sur les évolutions technologiques – notamment à cause de la lenteur des procédés d’élaboration de la loi – mais il a fini par se saisir de la question de l’application du copyright et du droit d’auteur à l’Internet. Le Congrès américain a été le premier à se saisir de la question avec le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) dans le cadre d’une réforme visant à adapter la législation américaine aux nouveaux défis de l’Internet. Le législateur américain avait adopté une approche libertaire, dont le législateur européen s’est inspiré dans la directive e-commerce. En France, les lois HADOPI I et II ainsi que la loi DADVSI sont venues renforcer l’arsenal juridique français en matière de lutte contre la contrefaçon sur Internet.

Loi DADVSI : elle comporte plusieurs dispositions spécifiques au droit d’auteur appliqué au numérique et introduit notamment dépôt légal des œuvres numériques. L’obligation porte néanmoins sur les supports et, par conséquent, une même œuvre peut faire l’objet de plusieurs dépôts si elle est publiée sur différents mediums. Les documents sont déposés quels que soient leur support matériel et procédé technique de production, d’édition ou de diffusion dès lors qu’ils sont mis en nombre à la disposition d’un public, à titre gratuit ou onéreux. Le dépôt est partagé par l’INA pour les documents radiodiffusés ou télédiffusés, le CNC pour les documents cinématographiques sur support photochimique ayant reçu un visa d’exploitation en salle et la Bibliothèque National de France pour les autres supports. La loi DADVSI reconnaît également la possibilité d’introduire des mesures techniques efficaces afin de protéger numériquement les œuvres contre le piratage. L’utilisation de logiciels principalement utilisés pour la mise à disposition illicite d’œuvres protégées par le droit d’auteur est prohibée.

Les lois HADOPI I et II : les lois HADOPI viennent expressément interdire le téléchargement d’œuvres sur internet. Une procédure en trois étapes est introduite : (1) avertissement par la HADOPI envoyé par email, (2) en cas de deuxième téléchargement illicite envoi d’un courrier par la HADOPI, (3) en cas de troisième téléchargement des poursuites en justice sont envisageables. Est concerné le propriétaire de la connexion internet même si une autre personne a téléchargé. Cependant, depuis la décision n°2020-841 du 20 mai 2020 rendue par le Conseil constitutionnel, la HADOPI ne pourra plus, à partir du 31 décembre 2020, obtenir tous documents, quel qu’en soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques. La HADOPI voit par conséquent ses moyens d’actions fortement diminués.

Le streaming : le streaming consiste à visualiser une œuvre sur un support numérique en flux continu. Concrètement l’œuvre n’est pas téléchargée sur le support numérique dans son intégralité avant de la visualiser. Cependant, l’œuvre est copiée sur la mémoire cache du terminal numérique. Or, l’article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l’exception de copie technique implique que l’œuvre source soit licite. Cela signifie que lorsque l’œuvre est mise licitement à disposition il est possible d’en prendre connaissance en streaming, et qu’en revanche, si l’œuvre n’est pas mise à disposition licitement, sa visualisation en streaming constitue une contrefaçon.