Des essais concluants ont déjà eu lieu avec des voitures intelligentes – qui sont des robots – ayant notamment permis à des personnes atteintes de cécité de se déplacer de façon indépendante. Bien qu’elles présentent déjà des garanties de sécurité élevées, il ne fait aucun doute que l’augmentation de leur nombre aura pour conséquence de causer des accidents de la circulation. La loi relative aux accidents de la route aura ainsi vocation à s’appliquer.

La loi du 5 juillet 1985 s’applique aux véhicules terrestres à moteur (VTM). Les VTM sont constitués par tout véhicule sur roues se déplaçant grâce à un moteur. Les voitures, scooters ainsi que les camions sont par conséquent inclus dans la catégorie des VTM. Il en ira de même pour les voitures autonomes.

La loi a vocation à s’appliquer dès lors qu’un accident de la circulation survient en France (Civ. 2, 2e, 2 novembre 1994 et 11 janvier 1995, JCP G 1996, II, note F. RUEL) et implique au moins un VTM. Elle ne concerne que les accidents involontaires et n’a pas vocation à s’appliquer en cas de dommage causé volontairement. L’objectif est par conséquent d’indemniser les victimes d’accident indépendamment d’une volonté de causer un dommage. La loi a ainsi vocation à s’appliquer aux dommages causés par les robots qui ne pourront pas causer sciemment de préjudice.

Cependant, ne disposant pas de patrimoine propre à cause de leur absence de personnalité juridique, il y sera nécessaire de solliciter l’indemnisation de l’assurance du propriétaire de la voiture intelligente qui est présumé en être le gardien. Cette particularité ne posera pas de problèmes particuliers dans la mesure où la jurisprudence distingue déjà entre le gardien de la voiture et le conducteur (Civ. 2e, 2 juillet 1997, n°97-10298). La jurisprudence considérera que le propriétaire sera responsable des accidents causés par son véhicule indépendamment de sa présence dans l’habitacle. Le lien entre le propriétaire et sa voiture sera ainsi considéré a priori et non pas in concreto, ce qui permet d’assurer la meilleure indemnisation possible des victimes conformément à l’objectif de la loi.

L’absence de conducteur humain ne fera pas obstacle à l’application de la loi de 1985 dans la mesure où elle a déjà été opposée au propriétaire d’une voiture impliquée dans un dommage alors que personne n’était présent à bord (Civ. 2e, 2 juillet 1997, n°97-10298). La voiture intelligente n’a qu’à être impliquée, même de façon passive (Civ. 2e, 28 juin 1995, n°93-20540), dans un accident de la circulation pour que la loi de 1985 ait vocation à s’appliquer. Ainsi, même si la conduite en soi n’est pas à l’origine de l’accident mais qu’il s’agit d’un jet de pierre ou de graviers (Civ. 2e, 24 avril 2003, n°01-13017), la loi aura vocation à s’appliquer. Cette ouverture de la loi de 1985 permet ainsi d’inclure les accidents dans lesquels sont impliquées les voitures intelligentes.

Le gardien devra par conséquent indemniser les préjudices physiques. Le propriétaire devra en outre indemniser les dommages aux biens sans que la force majeure ni la faute d’un tiers ne soient opposables.

La loi de 1985 permet néanmoins au gardien de s’exonérer en cas de faute inexcusable de la victime. Dans le cadre d’un accident entre une voiture pilotée et une voiture intelligente, ce motif d’exonération pourra avoir vocation à s’appliquer – dans les limites très strictes que lui a donné la Cour de cassation – contre le conducteur de la voiture pilotée. Il ne pourra être opposé lors d’un accident entre deux voitures intelligentes car il sera impossible d’apporter la preuve de l’existence de la faute inexcusable d’une machine. En effet, le second fondement d’exonération, à savoir la recherche volontaire du dommage, n’aura pas vocation à être opposée aux voitures intelligentes qui ne pourront rechercher volontairement le dommage.

Le régime des accidents de la circulation impliquant des voitures intelligentes permettra par conséquent une meilleure indemnisation des victimes que dans les hypothèses impliquant des voitures pilotées. En effet, la distinction entre les passagers et le conducteur n’aura plus lieu de s’appliquer car il ne pourra être reproché au chauffeur d’avoir commis une faute à l’origine de son dommage étant donné qu’il ne sera pas aux commandes. La voiture ne pourra pas commettre de faute car les règles du Code de la route ne laisse pas de marge d’appréciation et relève d’une appréciation mathématique de l’environnement. Les accidents qui surviendront ne pourront être que le fruit de conditions de circulation difficiles notamment dues à des situations météorologiques compliquées. Des accidents survenant dans de telles hypothèses relèveront du régime de la loi de 1985 et, en cas de défaut d’un composant de la voiture, du champ d’application de la directive 85/374/CEE.

Les accidents impliquant des voitures intelligentes présenteront en outre l’avantage de communiquer plus rapidement, voire en temps réel, les informations concernant l’accident à l’assureur. Cette rapidité permettra d’accélérer les délais d’offre d’indemnisation des assureurs et renforcera l’objectif indemnitaire qui irrigue la loi de 1985. La logique indemnitaire est partagée par le régime applicable aux accidents survenus à bord d’un aéronef.