La création de dépendance, et notamment dans le cadre d’un contrat de travail s’est développé notamment dans le secteur de la publicité, des arts appliqués ou encore de l’informatique.

L’article L. 111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit expressément que la conclusion d’un contrat de travail n’emporte aucune dérogation à la naissance du droit d’auteur. En conséquence, les droits d’auteurs naissent sur la tête du salarié même si l’œuvre a été réalisée dans le cadre de l’exécution d’un contrat de travail sous les instructions de l’employeur (le texte parle de louage d’ouvrage, ce qui renvoie au contrat de travail au sens de l’article 1779 du Code Civil). Si certains juges de première instance ont fait semblant de ne pas voir cette disposition ou ont eu recours à la notion de cession implicite, il est utile de rappeler que la Cour de cassation applique avec rigueur le principe selon lequel les droits naissent sur la tête du salarié et rejettent de façon constante l’idée d’une cession implicite. A ce titre, nous renvoyons le lecteur à l’article relatif au contrat de cession des droits d’auteurs disponible à cette adresse : https://avocat-lbv.com/le-contrat-de-cession-des-droits-dauteur/

L’article L. 113-9 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit néanmoins une exception en matière de logiciels. En effet, les droits patrimoniaux, c’est-à-dire les droits économiques de l’auteur, sur le logiciel et les documentations crées par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur, qui est seul habilité à les exercer. Si les dispositions de l’article L 113-9 du Code de la Propriété intellectuelle semblent constituer une limite forte à celles de l’article L 111-1, une partie de la doctrine y a vu en fin de compte un hommage, étant donné que seuls les droits patrimoniaux (c’est-à-dire les droits économiques) sont dévolus à l’employeur. Il en résulte que le salarié ayant créé un logiciel conserve les droits moraux (droit de paternité, droit de divulgation et droit à l’intégrité bien que ce dernier soit compris a minima et la notion de dévolution signifie que les droits naissent sur la tête du salarié mais sont automatiquement transférés à l’employeur. En tout état de cause, les dispositions de l’article L 113-9 du Code de la Propriété Intellectuelle peuvent être écartés par une stipulation contraire, notamment dans le contrat de travail. Cette situation est cependant rarement rencontrée en pratique.

Les journalistes cèdent également implicitement à l’employeur la première publication de leurs articles. Cette situation est le résultat d’un lobbying aussi discret qu’efficace des entreprises de presse. Ainsi, l’article L 132-36 du Code de la Propriété Intellectuelle créé une nouvelle cession légale au profit du titre de presse. La cession est large puisqu’elle intervient pour tous les droits d’exploitation des œuvres du journaliste réalisés dans le cadre du titre de presse. Cela porte pour tous les supports, modes de diffusion et de consultation (ce qui inclut notamment le support papier ou internet). Sous ce régime, le journaliste perçoit son seul salaire pendant une période dite de référence, qui est fixée par un accord d’entreprise ou à défaut par un accord collectif, en considération de critère objectifs comme la périodicité. Il en résulte que le droit d’auteur est cédé par le journaliste à titre gratuit à l’entreprise de presse.  Au-delà de la période de référence, l’article L 132-38 du Code de la Propriété Intellectuelle propose une option entre la possibilité de prévoir une rémunération sous forme de salaire ou de redevance de droits d’auteurs (les modalités sont fixées soit par un accord d’entreprise, soit par un accord collectif). Pour une exploitation au-delà du titre de presse, l’auteur a cédé ses droits si l’œuvre est utilisée dans le cadre du groupe de presse, mais bénéficiera d’une rémunération au titre du droit d’auteur si une utilisation est fait en dehors du groupe de presse.

En ce qui concerne les fonctionnaires, s’ils conservent en principe le droit d’auteur, leurs droits moraux sont inhibés dans la mesure où ils ne peuvent s’opposer à la modification d’une œuvre décidée dans l’intérêt du service par l’autorité investie du pouvoir hiérarchique que si cette modification porte atteinte à leur honneur et à leur réputation. Ils ne peuvent exercer leur droit de repentir ou de regret, sauf accord de leur pouvoir hiérarchique. En outre, dans la mesure nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public, le droit d’exploitation d’une œuvre créée par un agent de l’Etat dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues est cédée de plein droit à l’État.

Les employeurs trouvent régulièrement une source de protection dans la notion d’œuvre collective. Les œuvres collectives sont créées à l’initiative d’une personne physique ou morale (qui peut évidemment être un employeur) qui « l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ». C’est le modèle classique, notamment en matière de mode, ce qui permet aux maisons de couture d’obtenir les droits sans que les stylistes ne puissent opposer leurs droits d’auteurs ni obtenir de rémunération à ce titre. Néanmoins, la notion d’œuvre collective est de maniement délicat, et si elle est souvent soulevée devant les juridictions, elle présente la difficulté de ne pas assurer de prévisibilité suffisante à l’employeur dès lors qu’il s’agit d’une notion de fait dont l’analyse peut être soumise à un Tribunal.

En dehors de ces exceptions, l’employeur n’obtiendra automatiquement les droits que s’il prévoit une clause de cession au fur et à mesure des droits d’auteur. En revanche, en droit américain, le régime du « work made for hire » permet aux employeurs de se voir attribuer la titularité sur le droit d’auteur dès lors que l’œuvre est créée par un employé dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail ou qu’une œuvre est commandée comme contribution dans le cadre d’une œuvre collective, comme partie d’une œuvre audiovisuelle, d’une traduction ou d’une œuvre complémentaire, d’une compilation, d’un texte instructionnel , comme une réponse à un test ou comme un atlas, si les parties s’accordent expressément par écrit signé comme « work made for hire ». Néanmoins, une œuvre qui serait créée par un salarié en dehors de son contrat de travail ou par un prestataire externe en dehors de tout accord écrit ne constituerait pas un « work made for hire » et par conséquent, les droits naitraient sur la tête de la personne à l’origine de la création.

Vous pouvez accéder à la vidéo explicative en collaboration avec LEXBASE : [DPI/ Droit d’auteur] #5 Auteur salarié : quels sont ses droits ? – YouTube