Madame LE PEN et Monsieur ZEMOUR ont fait le choix, dans leurs clips de campagne pour les élections présidentielle de 2022, de représenter pour la première la pyramide du Louvre et pour le second plusieurs vidéos et images extraites de films, d’émissions télévisées et autres supports.

L’usage de ces contenus a suscité l’émoi des ayants droits qui se sont révoltés de voir leurs droits d’auteur et leurs droits à l’image ainsi utilisés. La réponse des candidats se synthétise par la bonne foi et un intérêt supérieur qu’ils auraient dans le cadre du débat politique. Ces deux événements donnent l’occasion de s’interroger sur le débat mainte fois renouvelé du conflit entre droit de la propriété intellectuelle et droit à l’image d’une part et droit de la liberté d’expression d’autre part.

La liberté d’expression est protégée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen intégré au bloc de constitutionnalité français ainsi que par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le droit de propriété intellectuelle (et à ce titre notamment le droit d’auteur) est protégé par le droit de propriété. Le droit à l’image est protégé quant à lui par le droit à la vie privée.

Le principe réside donc dans la protection par le droit d’auteur dès lors qu’une œuvre originale a été créée et que son auteur n’est pas décédé depuis plus de 70 ans (le délai de 70 ans court à compter du 1er janvier suivant le décès de l’auteur). Dans le cas de Madame LE PEN, la pyramide PEI qui a été créée par l’architecte Ieoh Ming Pei mort en 2019 et dont le droit d’auteur tombera dans le domaine public le 1er janvier 2090.

Il en résulte que le Louvre peut s’opposer en sa qualité de cessionnaire du droit d’auteur de Monsieur PEI à toutes reproductions et représentations de la pyramide. Encore faudrait-il apporter la preuve de l’existence d’un contrat incluant les mentions obligatoires du Code de la propriété intellectuelle à savoir les droits cédés, le territoire de cession, la durée de cession ainsi que le contexte de cession. Si une de ces mentions fait défaut, le contrat n’est pas licite et par conséquent, la cession des droits de Monsieur PEI au Louvre ne serait pas valide.

Si la cession a été correctement effectuée – il est extrêmement probable que le Louvre ait été correctement conseillé sur ce point – Madame LE PEN pourra toujours tenter de chercher parmi les dispositions des articles L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle. Cet article prévoit une liste d’exceptions et notamment les représentations privées et gratuites dans le cercle familial-amical normal, la copie privée, les analyses et courtes citations, les revues de presse, l’exception d’information, les ventes judiciaires, la reproduction présentant un objectif pédagogique, la parodie, les actes nécessaires à l’accès à une base de données électroniques, la reproduction provisoire, la reproduction par les bibliothèques et archives, la reproduction aux fins de recherche et d’étude pour les particuliers, la reproduction ou la représentation d’une œuvre graphique, plastique ou architecturale dans le but exclusif d’information, la fouille de textes et de données, la représentation et la reproduction d’une œuvre inaccessible, etc.

Toutes ces exceptions sont d’interprétation stricte, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible de leur donner un sens plus large que ce que le législateur avait initialement envisagé. En outre, cette liste limitative d’exception ne peut dépasser la liste limitative d’exceptions prévues par la directive sur le droit d’auteur.

Or, aucune exception ne semble applicable à la vidéo de Madame LE PEN ni à la vidéo de Monsieur ZEMMOUR.

Les candidats semblent alléguer leur bonne foi, mais, de jurisprudence constante, la Cour de Cassation retient que la bonne foi est inopérante en matière de contrefaçon de droit d’auteur. À ce titre, nous rappellerons la jurisprudence qui a fait couler beaucoup d’encre au cours des années 1990 et 2000 condamnant des étudiants ou les premiers libertariens d’internet, lorsque des contenus contrefaisants sont retrouvés sur leur système d’hébergement alors qu’ils n’en avaient pas connaissance. Leur bonne foi était inopposable au droit des auteurs.

Plus spécifiquement dans le cas des vidéos de Monsieur ZEMMOUR, le droit à l’image de plusieurs personnes est opposable dès lors que les personnes sont reconnaissables et encore en vie. À défaut d’autorisation de droit à l’image expresse, le candidat à la présidentielle n’avait aucune autorisation pour reproduire ou représenter ces images. L’exception de cession implicite – qui est applicable en matière de droit à l’image  contrairement au droit d’auteur – n’est pas opposable aux ayants droits dans le cas du clip étant donné qu’il ne pouvait être affirmé qu’ils avaient connaissance d’être intégrés dans une vidéo du candidat.

Il ne s’agit là que de possibilités données aux ayants droits qui peuvent à leur convenance tenter d’engager la responsabilité pour contrefaçon et violation du droit à l’image. En principe, le Procureur de la République peut se saisir dès lors qu’il a connaissance de l’existence d’une infraction pénale et pourrait par conséquent se saisir de la contrefaçon des contenus par les deux candidats. N’hésitez pas à contacter le cabinet pour toute question concernant le droit à la propriété intellectuelle ainsi que le droit à l’image.