Qu’est-ce que le temps de travail effectif ?

L’article L.3121-1 du code du travail précise que :

« La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. »

Le législateur a toutefois entendu exclure de la qualification de temps de travail effectif certains temps, comme les temps d’habillage et de déshabillage (s’agissant des temps d’habillage et de déshabillage, le code du travail prévoit qu’ils donnent lieu à des « contreparties » financières) et certains temps de déplacement.

Le principe : les temps de déplacement ne sont pas du temps de travail effectif

Le principe posé par le Code du travail est le suivant : le temps du déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas du temps de travail effectif. (L.3121-4 du code du travail).

En effet, dans l’esprit du législateur, si le temps de trajet est bien lié au travail, sa durée dépend principalement du lieu du domicile du salarié qui relève de son propre choix.

Pour autant, dès lors que le temps de déplacement professionnel dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel du travail, il doit faire l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière.

Les contreparties doivent être définies par accord collectif (accord d’entreprise ou d’établissement ; accord de branche) ou par l’employeur après consultation du Comité social et économique.

En l’absence d’accord collectif ou d’engagement unilatéral pris conformément à l’article L. 3121-4 du code du travail, il appartient au juge de déterminer cette contrepartie.

En revanche, quand le salarié se déplace au cours d’une même journée de travail pour se rendre d’un lieu de travail à un autre (par exemple d’un chantier à un autre), ce temps de déplacement est considéré comme du temps de travail effectif car le salarié est à disposition de l’employeur et ne peut pas vaquer à ses occupations.

Il donne donc lieu à une rémunération comme temps de travail effectif et sera pris en compte pour le calcul des heures supplémentaires et de la durée maximale de travail.

Le cas particulier des salariés itinérants

La question de la qualification du temps de déplacement des salariés qui n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, et qui sont dits « itinérants », s’est posée.

Selon le principe énoncé ci-dessus, le temps de trajet d’un salarié itinérant pour se rendre chez un client le matin et revenir chez lui le soir n’est pas considéré comme du temps de travail effectif.

L’absence de lieu de travail fixe ou habituel rendait difficile la détermination d’un temps normal de trajet entre le lieu de travail et le domicile au-delà duquel le salarié devait se voir verser une contrepartie.

Les juges avaient estimé que le temps normal de trajet, devait s’apprécier par référence à celui d’un travailleur type se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel « dans la région concernée » (Cass. soc. 22-6-2011, n° 10-12920 ; Cass. soc. 7-5-2008, n° 07-42702).

Toutefois, sous l’impulsion du droit européen, la Cour de cassation du 23 novembre 2022 est venue modifier l’appréciation du temps de déplacement des salariés itinérants, qui peut désormais être qualifié de temps de travail effectif dans certaines circonstances et donc donner lieu au paiement d’heures supplémentaires.

Déjà, la Cour de justice de l’Union européenne (dont les décisions sont applicables en France), en 2015, avait eu à considérer la qualification des temps de déplacement effectués par des techniciens espagnols chargés d’installer et de maintenir en état de fonctionnement des dispositifs de sécurité dans des maisons privées et dans des établissements industriels et commerciaux situés dans la zone territoriale à laquelle ils étaient affectés.

Ces travailleurs se déplaçaient grâce à un véhicule de fonction chaque jour depuis leur domicile vers leurs lieux de travail, et pour rentrer chez eux en fin de journée.

La distance entre le domicile des travailleurs et les lieux où ils devaient effectuer une intervention pouvait varier considérablement et parfois excéder 100 kilomètres.

La Cour européenne avait également relevé que pour exercer leurs fonctions, les travailleurs en cause au principal disposaient chacun d’un téléphone portable qui leur permettait de communiquer à distance avec l’employeur. Une application installée dans leur téléphone permettait aussi à ces travailleurs de recevoir tous les jours, la veille de leur journée de travail, une feuille de route répertoriant les différents sites qu’ils devraient visiter au cours de cette journée, à l’intérieur de leur zone territoriale, ainsi que les horaires des rendez‑vous avec les clients. À l’aide d’une autre application, les travailleurs relevaient les données relatives aux interventions effectuées et les transmettaient à l’employeur, aux fins d’enregistrer les incidents rencontrés et les opérations effectuées.

La Cour de justice de l’Union européenne avait alors jugé que « constitue du “temps de travail”, au sens [du droit européen], le temps de déplacement que ces travailleurs consacrent aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par l’employeur. » (CJUE, 10 sept. 2015, aff. C266/14, Tyco).

Désormais, la Cour de cassation considère que « lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu’elle est fixée par l’article L. 3121-1 du code du travail », ces temps doivent être pris en compte comme du temps de travail effectif. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 novembre 2022, 20-21.924)

Il reviendra donc au salarié de démontrer que pendant ce temps de déplacement il se tient à la disposition de l’employeur et ne peut pas vaquer à des occupations personnelles.

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