Lorsqu’un robot est défectueux le constructeur engagera sa responsabilité civile pour les dommages commis (I) et ne pourra que rarement s’exonérer de sa responsabilité (II).

I) Le régime de droit commun

Le droit européen, et par conséquent le droit français, protègent les consommateurs lorsqu’ils achètent un produit défectueux. Ainsi, lorsqu’un consommateur acquière un robot, même doué d’intelligence artificielle, il pourra se retourner vers le constructeur et, à défaut, vers le vendeur, lorsque celui-ci s’avère défectueux.

Un produit est considéré comme défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre (article 1245-3 du Code civil). Le degré de sécurité attendue peut être déduit de toutes les circonstances entourant le robot. Or, les consommateurs s’attendront a minima à ce que les robots respectent les règles édictées par Asimov (la première règle fait interdiction de porter atteinte à un humain, la seconde règle impose aux robots d’obéir aux ordres qu’il reçoit d’un être humain à moins que cela n’entre en conflit avec la première règle, la troisième règle impose aux robots de protéger leur existence à moins que cela n’entre en conflit avec les deux premières règles). Le caractère défectueux du robot sera ainsi constitué par la violation des trois règles fondamentales de l’intelligence artificielle. Cependant, il arrivera des cas où le robot causera des dommages à autrui sans que cela ne puisse lui être reproché.

En effet, lorsqu’un accident sera inévitable, les robots devront choisir quels individus devront subir les préjudices inévitables voire quelles vies sacrifier en fonction de calculs probabilistes. Cette hypothèse est celle décrite par Del Spooner, le personnage de Will Smith dans le film « I Robot ». Il reproche aux machines d’avoir privilégié sa vie à celle de la petite fille impliquée dans l’accident parce qu’il avait un pourcentage de survie plus élevé qu’elle. Une partie substantielle du film est dédiée au conflit entre la rationalité froide des robots et l’humanisme du personnage incarné par Will Smith. L’intelligence artificielle amènera les juristes à briser un tabou depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale : les différences de légitimité d’une vie humaine.

Dès lors, la première règle d’Asimov connaîtra des exceptions. Ce n’est que lorsque le dommage sera causé en violation de la hiérarchisation des intérêts, ou lorsqu’aucun intérêt n’avait besoin d’être sacrifié, que le préjudice sera indemnisé sur le fondement du régime de responsabilité des produits défectueux. Il en ira de même d’un dommage causé par la violation de l’ordre d’un être humain à moins que celui-ci n’entre en conflit avec la première règle.

Le constructeur devra indemniser les victimes de l’intégralité de leurs préjudices physiques. Ainsi, en cas de violation de la première règle les victimes pourront obtenir une indemnisation intégrale de leur préjudice. Les personnes humaines victimes d’un robot n’auront qu’à prouver l’existence du dommage afin d’obtenir réparation indépendamment d’une faute du constructeur. 

En revanche, en ce qui concerne les préjudices matériels, le droit français prévoit une franchise d’un montant de 500 euros. Les dommages matériels causés par les robots à cause de leur défectuosité seront remboursés après déduction d’une somme de 500 euros sur les préjudices patrimoniaux et moraux. Le régime d’indemnisation est donc protecteur de l’intégrité physique des personnes, mais beaucoup moins en matière de préjudice matériel.

Ce régime sévère incitera l’industrie robotique française à assurer un haut niveau de sécurité et constituera ainsi un gage de qualité à l’export pour les entreprises françaises.

II) Les motifs d’exonération de la responsabilité du fabricant

Les constructeurs de robots pourront s’exonérer de leur responsabilité en cas de risque de développement ou, lorsqu’en l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la construction, il ne sera pas possible de la prévoir.

Le premier critère est généralement opposé en matière de produits de santé et notamment de médicaments. Il pourrait être opposable en matière de robots particulièrement avancés. En effet, le critère du risque de développement a été intégré à la directive afin d’exonérer les constructeurs de produits interagissant avec des organismes biologiques dont l’évolution ne peut être prévue précisément. Or, dans le cas d’un robot en mesure d’apprendre et d’interagir avec son environnement, il existe un risque de développement de défectuosité. En effet, un tel robot serait en mesure d’évoluer indépendamment, du moins en partie, par rapport à son programme initial, tout comme une molécule médicamenteuse peut évoluer de façon inattendue. Ce type de robot existe d’ores et déjà. Il est par conséquent capable de développer des comportements et des réactions imprévus au moment de sa conception. Dans cette hypothèse le constructeur n’engagera pas sa responsabilité pour les dommages causés par la capacité d’apprentissage du robot. Une telle machine ne pourrait pas continuer à fonctionner et devrait être détruite. Les constructeurs devraient avoir l’obligation de financer les frais de capture et de destruction des machines ayant développé des défectuosités.  

Il en ira de même lorsqu’il n’était pas possible, au moment de la mise sur le marché, de détecter la défectuosité. Cela sera le cas lorsque, notamment, le robot sera confronté à un conflit entre les règles fondamentales d’Asimov qui ne pouvait être prévu par les concepteurs. Cette hypothèse avait été décrite par Asimov lorsque son robot a été confronté à un conflit entre plusieurs normes l’empêchant de fonctionner correctement. Le robot était par conséquent juridiquement défectueux. De tels scenarii seront désormais difficilement considérés comme imprévisibles au moment de la conception des robots, mais ils donnent une idée des possibilités de conflits entre les règles fondamentales auxquels peuvent être confrontés les robots. Néanmoins, si le régime juridique des produits défectueux n’a pas vocation à s’appliquer dans cette hypothèse les victimes pourront toujours prouver la faute du constructeur afin d’obtenir une indemnisation.

Enfin, le constructeur sera exonéré de sa responsabilité lorsque la victime, ou une personne sous la surveillance de celle-ci, aura commis une faute à l’origine de son dommage. Ainsi, lorsque la victime aura placé le robot dans une situation ne lui laissant aucun autre choix que de causer un dommage, le constructeur n’engagera pas sa responsabilité.

Les hypothèses d’exonération de responsabilité s’avèrent ainsi limitées. Les personnes humaines ainsi que leurs biens seront donc largement indemnisées en cas de dommages causés par des machines défectueuses. Si les cas de dommages causés par des machines défectueuses devraient rester rares, il en va différemment pour les cas où les robots causeraient des dommages alors qu’ils fonctionnent parfaitement.