Faire reconnaître un accident du travail
Posté le 26 octobre 2023 dans Droit du travail.
Dans sa campagne de prévention des accidents du travail, lancée le 26 septembre 2023, le gouvernement fait état de 2 morts chaque jour et 100 blessés graves dans les entreprises françaises.
Les accidents du travail sont devenus une préoccupation majeure dans le domaine du droit de la sécurité sociale. Ils touchent à la fois les salariés et les employeurs, en ayant des conséquences juridiques et financières significatives pour toutes les parties impliquées.
Nous reviendrons sur les conditions dans lesquelles un accident du travail est reconnu, la procédure devant la Caisse primaire d’Assurance Maladie (CPAM) et la procédure en contestation d’une décision prise par la CPAM.
Qu’est-ce qu’un accident du travail
Est considéré comme un accident du travail quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à une personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit (article L.411-1 du code de la sécurité sociale).
Les juges ont précisé cette notion d’accident du travail.
Pour qu’un accident du travail soit reconnu, il faut caractériser un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle (Cass. Soc. 2 avril 2003, n°00-21.768).
Il est fondamental de pouvoir dater avec précision et certitude l’événement.
A contrario, lorsqu’il n’est pas possible de dater précisément et avec certitude l’événement ou à la série d’événements à l’origine de la lésion et que cette lésion est apparue de manière lente et progressive, l’accident du travail ne peut être retenu. Il s’agira plutôt d’une maladie que d’un accident.
Il convient également de caractériser l’apparition d’une lésion. Ce peut être une lésion physique mais aussi psychologique.
Il a, par exemple, été jugé que constitue un accident du travail le choc émotionnel réactionnel subi par le salarié à la suite de paroles agressives dont il a été victime sur le lieu de travail (CA Reims, 16 janvier 2013, n°12/00805).
La Cour de cassation a jugé que constituait un accident du travail la simple altercation verbale ayant créé un état d’anxiété chez le salarié (Cass. Civ. 2e, 4 avril 2019, n°18-14915).
Ainsi, constitue une lésion un dommage corporel tel qu’un mal de dos, une déchirure, toute blessure causée par une machine, une chute, mais aussi une dépression, un suicide.
Enfin, il est nécessaire de pouvoir établir un lien entre le travail et le fait accidentel. Il est bon de savoir que l’événement qui se produit au temps et au lieu du travail bénéficie d’une présomption d’imputabilité au travail et l’arrêt de travail en découlant doit être pris en charge au titre des risques professionnels par la Caisse primaire d’assurance maladie.
Le lieu de travail est entendu au sens large : il s’agit de l’ensemble de l’entreprise, y compris les dépendances (un parking), les voies d’accès et de sortie et, d’une façon générale, tout endroit où le salarié se trouve par ordre de l’employeur, ou encore par la nécessité de son emploi.
Lorsqu’un salarié est en mission professionnelle, en déplacement, pour des raisons liées à son emploi, il peut s’agir par exemple de rendez-vous clients, l’accident qui surviendrait serait professionnel.
L’accident de trajet, qui se produit entre le lieu de travail et la résidence principale ou tout autre lieu de résidence habituelle pour des raisons familiales et entre le lieu de travail et le restaurant, la cantine ou tout autre lieu où sont habituellement pris les repas lorsque le salarié travaille, est pris en charge par la Caisse primaire d’assurance maladie.
Si le salarié est en télétravail, l’accident qui survient pendant les horaires de travail doit être considéré comme un accident du travail (L.1222-9 du Code du travail).
Il arrive que malgré cette présomption, la Caisse primaire d’assurance maladie et la Commission de recours amiable refusent de reconnaître un accident du travail au motif qu’il n’y aurait pas de témoin de l’événement ou que l’employeur aurait formulé des réserves.
Une telle décision est contestable et un avocat vous aidera à contester utilement la décision.
Comment réagir face à un accident du travail ?
Le salarié victime d’un accident du travail doit en informer son employeur immédiatement et au plus tard dans les 24 heures de la survenue de l’accident.
Il doit également se rendre chez un médecin pour que celui-ci établisse un certificat médical d’accident du travail et précise la nature de la lésion imputable à l’accident.
En effet, seul un médecin peut constater et identifier la lésion issue de l’accident.
Pour sa part, l’employeur doit déclarer l’accident auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie dans un délai de 48 heures.
Si des personnes sont témoins de l’accident, il est important de relever leur présence et leur identité afin qu’ils puissent attester de la survenue de l’accident.
Il faut savoir que l’employeur dispose d’un délai de 10 jours à compter de la déclaration de l’accident pour émettre de réserves.
En pratique, il peut émettre ses réserves au moment de la déclaration de l’accident.
L’employeur peut notamment faire valoir que :
- la lésion dont souffre le salarié a une cause totalement étrangère au travail, c’est-à-dire qu’il n’y a aucun lien entre l’accident et le travail, preuve qui n’est pas aisée à rapporter ;
- au moment de l’accident, le salarié n’était pas sous l’autorité de l’employeur.
A titre d’exemple, un accident du travail a pu être écarté à partir des conclusions d’un expert judiciaire relevant que l’accident vasculaire cérébral était survenu en fin de journée, sans aucun lien avec un traumatisme crânien ou un effort lié à l’activité professionnelle (Cass. Civ. 2e, 30 novembre 2017, n°16-25674).
De la même façon, un accident du travail a été écarté pour un salarié qui avait eu un accident lors d’une pause prolongée prise à son initiative pour réparer son cyclomoteur car il s’agissait d’un acte étranger à l’exécution de son travail ne le plaçant plus sous la subordination de son employeur (Cass. Civ. 2e, 3 avril 2003, n°01-20974).
La procédure devant la Caisse primaire d’assurance maladie
La Caisse primaire d’assurance maladie est saisie à partir du moment où elle est destinataire du certificat médical (soit directement par le médecin soit par le salarié) et la déclaration d’accident du travail.
Le principe est que la Caisse primaire d’assurance maladie statue dans un délai de 30 jours à compter de sa saisine.
Toutefois, si l’employeur émet des réserves ou si la Caisse primaire d’assurance maladie l’estime nécessaire, elle peut, dans ce délai de 30 jours, engager une enquête.
Lorsque la Caisse engage des investigations, elle dispose d’un délai total de 90 jours à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident.
La Caisse primaire d’assurance maladie doit informer à la fois le salarié et l’employeur de l’ouverture d’une enquête.
Pendant la phase d’investigation, la Caisse adresse au salarié ou ses ayants-droits et à l’employeur un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident.
Ce questionnaire doit être retourné dans un délai de vingt jours à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire.
N’hésitez pas à vous rapprocher d’un avocat pour vous accompagner et vous conseiller pendant cette phase d’enquête.
La phase d’investigation dure en elle-même 70 jours. A l’issue de ce délai, la Caisse met à la disposition des parties le dossier qu’elle a constitué et les informe qu’ils disposent d’un délai de 10 jours pour faire valoir leurs observations.
La décision de la Caisse primaire d’assurance maladie est notifiée aux parties, qui disposent d’un délai de 2 mois, à compter de sa réception, pour former un recours amiable devant la Commission de recours amiable de la Caisse primaire d’assurance maladie.
La Commission de recours amiable dispose d’un délai de 2 mois à compter de sa saisine pour rendre sa décision : soit elle confirme la décision de la Caisse primaire d’assurance maladie soit elle la modifie.
Le réexamen de la situation par la Commission de recours amiable se fait sur dossier.
La décision de la Commission de recours amiable peut faire l’objet d’un recours, dans le délai de 2 mois de sa notification, devant le Pôle social du Tribunal judiciaire territorialement compétent.
Attention, l’absence de délai de réponse de la Commission de recours amiable dans le délai de deux mois à compter de la réception du recours équivaut à un rejet implicite de la demande. Il convient alors de saisir le Pôle social du Tribunal judiciaire dans un délai de deux mois.
Le cabinet LBV AVOCATS reste à votre disposition pour vous accompagner dans vos démarches.